Vous trouverez ici des remarques envoyées à une élève de terminale S. Elles portent principalement sur la pensée éthique du philosophe Epicure
Donc Epicure, comme représentant de la philosophie morale antique (en fait : de l'éthique) et d'une position philosophie (d'une thèse) sur le bonheur / la philosophie / la sagesse ... est un très bon point d'appui.
Réfléchir au bonheur c'est inscrire sa pensée à l'intérieur de l'interrogation sur , donc sur la conduite de l'existence, : il y a bien des manières de vivre, donc de conflits de valeurs. Plus généralement il y a une vie quotidienne, routinière, celle que mènent la plupart des hommes, et il y a au coeur de chacun (comme être pensant conscient de sa finitude), un souci de mener la meilleure des vies possibles. Mais quelle est cette vie ? Est-elle même concevable? etc.
Les premiers penseurs posaient le problème ainsi : existe-il une vie bonne en soi (cad absolument), une conduite ou une manière de vivre absolument et objectivement supérieure à tout autre (concept de la vie vertueuse) et si oui, en quoi consiste-t-elle?
Sur le premier point la réponse est unanimement oui : l'expétrience montre que tous les hommes recherchent le bonheur au travers de chaque acte qu'ils accomplissent (remarque qui vaut d'Aristote à Pascal etc) : la vie désirable en soi, c'est donc la vie heureuse. Mais en quoi consiste-t-elle précisément et comment l'accomplir?
Epicure apporte une réponse à cette question. Sa philosophie est pour l'essentiel contenue dans les quatre petites pages de sa Lettre à Ménécée (une lecture rapide). Ménécée est un disciple d'Epicure qui connait déjà la doctrine de son maître. La Lettre est un rappel des points nécessaires et suffisants de la doctrine et une exhortation pressante à la mettre en oeuvre. Je vous la restitue en aussi peu de mot que nécessaire, ce qui plairait à notre auteur :
Pour atteindre le bonheur parfait, c'est-à-dire accomplir le Bien suprême et Souverain conforme à notre nature, il faut inscrire au plus profond de soi (dans son âme) quatre règles de conduite (ce sont les préceptes de l'éthique épicurienne, les règles de la vie vertueuse) :
NE PAS CRAINDRE LES DIEUX
NE PAS CRAINDRE LA MORT
MAITRISER VOIRE ETEINDRE LE DESIR
CALCULER SES PLAISIRS
L'appropriation existentielle (et non purement intellectuelle : impossible d'avoir un bon revers au tennis sans répéter le geste, non?) de ces préceptes s'effectue progressivement par la mise en oeuvre répétée d'exercices spirituels (répétition des raisonnements vrais) et physiques (habitude de la maitrise de soi et de la frugalité). Exercice nous vient du grec askésis, qui a aussi donné "ascèse" : Epicure conçoit la philosophie comme une ascèse qui a pour but de produire la transformation de soi nécessaire à l'atteinte et au maintien du maximum de bonheur humainement réalisable, à savoir l'état d'ataraxie : absence de douleur dans le corps et dans l'âme (= tout simplement l'état que nous éprouvons lorsque nous nous sentons bien (sans souci ni besoin), mais stable et durable, se confondant avec l'existence elle-même.
Concrètement : pensez au moment où sans raison particulière, vous vous sentez souverainement sereine, inatteignable, et supposez que cette état se prolonge, se confonde avec votre existence (= avec votre durée terrestre) et vous aurez une représentation parfaite de ce que les anciens concevait sous le concept du bonheur.
Pour Epicure cet état est méthodiquement réalisable sous la forme de l'ataraxie (a-taraxie) qui est un état "négatif" et non "positif" : absence de souci, absence de douleur, absence de tout manque, et non : présence d'une idée, présence d'une excitation, présence d'un objet. C'est aussi pourquoi sa philosophie est aussi un apprentissage de la liberté (une voie vers la libération) sous la forme d'une conquête de l'indépendance la plus complète possible (= autarcie, autarkéia). La sagesse est le donc savoir pratique qui permet la synthèse de la vertu, du bonheur et de la liberté. Vous apprendrez bientôt les objections que formule Kant à ce propos.
Si donc on se résume avec "les gros mots" du langage de la tradition philosophique (donc grossièrement) : Epicure est un penseur :
- MATERIALISTE : la matière est la seule substance --> toute réalité est corporelle (composée d'éléments tangibles), il n'existe pas de réalité immatérielle, donc de transcendance au monde : il n'existe qu'un "ici-bas", l'existence est finie, radicalement = la mort est le terme de l'existence des vivants, il n'y a pas d'au-delà (qui, s'il existait, notez-le bien, ne serait pas perceptible, donc serait inconnaissable; s'il en était autrement, ce ne serait plus l'au-delà, mais bien l'ici-bas etc.)
- EUDEMONISTE : c'est un terme forgé par Kant, à partir du grec eudaïmonia qui signifie "béatitude", "bonheur" = toutes les philosophies qui font du bonheur le but et l'accomplissement de l'existence.
- HEDONISTE : "Hédonè" = le plaisir (état de contentement, de bien être sensible) en grec = en tant que chair vivante, nous tendons naturellement à rechercher le plaisir et à fuir la douleur. Voilà l'enseignement de la nature, voilà ce qu'il faut rechercher. Toute la problématique épicurienne consistant à déterminer les modalités concrètes de la maximisation du plaisir. D'où sa philosophie...