Je vais limiter cet examen à trois points, en fonction du programme de la classe de TES :
1/ Le désir : Epicure prône l'extinction du désir comme condition de la vie heureuse : il ne faut désirer que ce qui est nécessaire à l'atteinte du bonheur conçu comme ataraxie,
donc satisfaire seulement des besoins. Mais peut-on cesser de désirer?
2/ Bonheur et morale : Epicure voit dans le bonheur le bien suprême et souverain. Mais est-il moral de subordonner sa vie à l'atteinte du bonheur? Cela ne nous conduit-il pas à négliger nos
obligations morales, à une forme d'immoralité?
3/ Le bonheur : réalité ou bien idéal? Enfin Epicure affirme qu'il est possible d'atteindre le bonheur comme état durable de complète satisfaction ("le bien est facile à réaliser, le mal facile à
éviter".). Mais un tel état est-il humainement réalisable ou bien est-il voué à demeurer un idéal?
I/ PEUT-ON CESSER DE DÉSIRER?
L'hypothèse d'une cessation du désir peut se comprendre de deux façons :
1/ Trouver son contentement par la satisfaction des seuls besoins.
2/ Eteindre en soi la faculté de désirer, en quoi la position épicurienne serait comparable au bouddhisme ou à la conception de Schopenhauer.
1/ Est-il possible de trouver son contentement par la satisfaction de ses seuls besoins? Et si cela était possible, serait-ce souhaitable?
POSSIBLE?
En théorie, rien n'est plus simple : il suffit de distinguer les désirs naturels et nécessaires et des désirs artificiels ou vains. Ensuite de dénombrer strictement les désirs nécessaires à
l'atteinte du bonheur conçu comme "absence de trouble dans le corps et dans l'âme ("santé du corps et sérénité de l'âme").
Mais lorsqu'on essaie de mettre en pratique ce précepte, une foule inattendue de difficultés surgissent : où tracer la frontière entre le nécessaire et le superflu? Qu'est-ce qui est naturel en l'homme?
Soit le problème de la satisfaction des besoins vitaux.
Il est nécessaire de manger, de boire, de se reposer, de se vêtir. Soit. Mais mangera-t-on cru ou cuit? Crus, nombre d'aliments seront difficiles à digérer : ni nos mâchoires ni notre estomac ne sont adaptés à la viande crue par exemple. Or si on intègre la cuisson des aliments à la sphère de nos besoins vitaux, il faudra se procurer le nécessaire : ramasser du bois, mais rapidement le couper; il faudra de quoi amorcer un feu; des ustensiles pour préparer les aliments. Ces ustensiles, il faudra les fabriquer ou les échanger. Si nous les fabriquons, il nous faudra du temps et des moyens, en particulier des outils. Or personne ne dispose du temps ni des compétences nécessaires pour tout faire seul. Il serait alors préférable de les échanger. Mais contre quels biens? Et ne devenons-nous pas alors dépendants d'autrui. Voilà autrui, au moins les produits de son travail, intégré à nos besoins...
Il en va de même pour le repos : un abri sera nécessaire, qu'il faudra trouver ou construire. Si on le construit, il faudra des outils; si on le trouve, il faudra l'aménager, mais aussi éventuellement le défendre. Pour ce faire, des armes seront nécessaires, qu'il faudra fabriquer ou échanger etc. Et on dira la même chose pour le moindre de nos besoins.
On voit donc que la satisfaction de nos simples besoins vitaux exige d’entrer dans un cycle indéfini de besoins à satisfaire, dont aucun, pris à part, ne paraît pourtant nécessaire.
SOUHAITABLE?
Et si nous renonçons, tel un ascète, à entrer dans ce cycle de création de besoins, la vie que nous mèneront sera une vie animale plutôt qu'une vie humaine; il s'agira de survivre et non vivre,
encore moins de bien vivre.
Il semble donc impossible de mettre en pratique en le respectant à la lettre le conseil d'Epicure.
Quelle est l’origine de cette impossibilité? Et que nous apprend-elle au sujet de la nature humaine?
a) "La création du premier besoin est la première date de l'histoire."(Marx) : Les besoins humains seraient strictement définis si on pouvaient les déduire de la nature humaine. Or l'homme n'a
pas de nature (d'essence normative) : c'est en société qu'il vit, non dans la nature; il évolue au fil d'une histoire dont il est à la fois l'agent et le patient (il fait l'histoire et l'histoire
le fait); c'est à l'intérieur de la société qu'il se définit et qu'il hiérarchise ses besoins. Autant dire que la nature humaine est culturelle (de l’ordre de la culture) et que les besoins
humains sont d'emblée des besoins sociaux historiquement définis. C'est pourquoi leur nombre est en droit infini et la définition d'un strict minimum (les besoins dit “de base” ou vitaux)
impossible. Par là la distinction entre désirs et besoins perd toute pertinence, le véritable problème devenant : qu'est-il raisonnable de désirer, et dans quel mesure? C'est ce dont nous
instruit aussi Maurice Clavel.
b) "Je reconnais que notre société de consommation nous crée et nous impose des besoins indéfinis et donc inassouvissables. Mais est-ce bien notre société de consommation? Ou n'importe quelle société? Ou simplement notre condition d'homme? Souvenez-vous du cri du roi Lear devant la dégringolade du train de vie que lui proposaient ses filles : "quel besoin avez-vous de cinquante serviteurs? - Quel besoin de dix? - Quel besoin d'un?" Et lui, alors : "Ah! ne discutez pas le besoin! le plus gueux des mendiants a toujours une bricole de superflu! réduisez la nature aux besoins de nature et l'homme est une bête, sa vie ne vaut pas plus. Comprends-tu qu'il nous faut un rien de trop pour être?". (Maurice Clavel)
La citation de Clavel, qui s'appuie ici sur le génie de Shakespeare, rappelle que l'infinité des besoins, c'est-à-dire en fait les désirs, est inhérente à l'humaine condition et non un accident malheureux de son existence ou de la forme de la société. Vivre comme un homme c'est dépasser le stade du besoin. Car chaque "besoin" est humainement satisfait c'est-à-dire dans les formes d'une culture et selon les préférences de l'individu : personne, lorsqu'il a faim, ne se jette sur la nourriture brute, personne lorsqu'il doit se vétir, ne se couvre de chiffons, sinon par indigence, par nécessité; et encore s'arrangera-t-il, comme on le constate chez les plus pauvre, pour se procurer cette bricole de superflu dont parle Shakespeare ("le plus gueux des mendiants a toujours une bricole de superflu!). Il faut même aller jusqu'à dire que l'homme n'a aucun besoin, qu'il est l'être qui n'est jamais dans le besoin, à moins de déchoir dans l'animalité ("réduisez la nature aux besoins de nature et l'homme est une bête, sa vie ne vaut pas plus. Comprends-tu qu'il nous faut un rien de trop pour être?").
Impossible donc de réduire les désirs humains aux besoins humains si on doit vivre humainement et de manière animale.
Mais peut-être peut-on être plus radical, c'est-à-dire littéralement couper à la racine de cette source d'intranquillité, d'inquiétude (in-quiétude) qu'est le désir, en s'efforçant d'éteindre en soi la faculté de désirer elle-même.
2/ Est-il possible d'éteindre en soi la faculté de désirer?
Epicure pense que c'est possible parce que les désirs vains sont accidentels : ils ne naissent en nous que de notre relation ce qui n'est pas nous, du mimétisme social (désirer ce que désire l'autre, faire comme lui) et de l'amour-propre (vouloir compter, vouloir en imposer, vouloir la reconnaissance de l'autre) comme le remarquera Rousseau au XVIII° siècle (Discours sur les sciences et les arts).
Mais peut-on vivre sans désirer? Mieux : Peut-on survivre à la mort du désir?
Le cas de la dépression. Son tableau clinique est franchement nihiliste : le dépressif n'a plus de goût ou d'envie pour rien; ne trouve de sens à rien; n'accorde de valeur à rien, ne fait plus
d'efforts. Son symptôme caractéristique c'est l'effondrement du désir. L'aboulie (absence de désir) du dépressif se déploie (si on peut dire) dans un désert de sens, dans lequel tout se vaut,
tout se trouve indifférencié : vivre ou mourir, être riche ou pauvre, heureux ou malheureux : tout cela est indifférent au dépressif.
N'est-ce pas là l'indice de la nocivité de toute volonté d'abolir le désir? N'est-ce pas l'indice du lien qui unit vie et désir?
Si tel est le cas, en quoi consiste l'erreur d'Epicure et quelle est l'importance réelle du désir chez l'homme?
L'erreur d'Epicure est double :
a) il conçoit le désir comme un état de manque;
b) il pense que les choses sont en elles-même désirables ou repoussantes.
Bref :
a) le désir est le négatif (état de manque) de l'état positif que nous recherchons à travers lui;
b) C'est parce que le bonheur, la sagesse ou tout autre chose, sont des choses désirables que nous les désirons.
Eh bien tout cela est faux, et nous allons le démontrer!
Prenons un exemple : ma bibliothèques est remplie de livres passionnants que je n'ai pas encore lus.
Passionnants, vraiment? Faute de temps, vraiment? Ou faute de désir de les lire? Ne deviendront-ils pas pasionnants, intéressants, lisibles etc dès que l'envie de les lire se manifestera?
Je m'explique : un livre n'est pas en soi passionnant, objectivement passionnant, s'il est vrai que nous trouvons toujours le temps de faire ce qui nous passionne. Si tel était le cas il
suffirait de concevoir que le livre est passionnant pour avoir envie de le lire. Et il suffirait d'en informer les élèves pour qu'ils se mettent à dévorer... Madame Bovary de Flaubert par
exemple! Or chacun sait que cela ne marche pas. Le livre ne devient pasionnant que lorsqu'il est pris dans un vif désir de le lire; désir qui sera toujours provoqué par une rencontre, par un
événement : un ami m'en parle, une découverte récente m'y ramène etc. Voilà le désir de lire qui naît en moi, voila ce livre devenant pasionnant et si le désir est fort, voilà le livre lu toutes
affaires cessantes!
De même : un corps nu est-il en soi désirable? Voire le corps de la personne que j'aime? Pas du tout. C'est seulement si il est pris dans une tendance de désir qu'il apparaîtra désirable, que le
corps se fera chair désirable et que l'envie d'en explorer les contours se fera jour. Ce corps laissera froid celui ou celle qui ne le désire pas, aussi beau, sensuel et capiteux soit-il (on ne
fera pas boire un âne qui n'a pas soif!); et c'est seulement parce qu'on le désire qu'on pourra en éprouver le manque, l'état de séparation.
Il en va de même pour le bonheur, qu'Epicure considère comme "le désirable en soi", mais qui ne vaut rien aux yeux de celui qui ne désire plus rien.
Ainsi pour éprouver le manque de quelque chose, il faut d'abord être porté à cette chose, tendre à cette chose. Pour désirer le bonheur ou la sagesse, et donc en éprouver le manque, il faut d'abord tendre à eux. La négativité du manque (j'éprouve le manque de l'être que j'aime) est précédé de la positivité de l'impulsion désirante (tu me manque parce que je t'aime ou parce que j'ai envie de toi : c'est seulement sur fond de désir qu'on peut éprouver le manque de quelque chose : le manque n'est donc pas la vérité du désir!
En fait Epicure confond le désir comme conscience que nous désirons quelque chose et l’appétit : l’impulsion vitale qui naît dans le corps et qui nous pousse vers un objet.
On doit à Spinoza d'avoir mis en évidence la vitalité première du désir : le désir n'est pas un état de manque, il est la force qui fait tendre un être à quelque chose, la force qui porte un être à vivre, il est la vitalité même de la vie. Spinoza appelle cette forme première du désir l'appétit (appetare : tendre à). Si cette force disparaît ou s'effondre, la vitalité du sujet s'effondre et avec elle le sens qu'il trouve à l'existence, son goût de vivre.
C'est pourquoi Spinoza fait du désir "l'essence même de l'homme" c'est-à-dire le principe de son comportement et donc aussi la clé de leur explication. En effet lorsque cet appétit atteint un seuil d'intensité suffisant il devient conscient : nous nous disons que nous avons envie d'une chose; et plus cet appétit est fort, plus nous nous efforçons d'obtenir ce que nous désirons. C'est pourquoi Spinoza dit que "nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons."
Par exemple : personne n'est infidèle à la personne dont il vient de tomber amoureux. Dans les premiers temps de l'amour, lorsqu'il est le plus vif, les autres n'existent même pas; c'est seulement lorsque la force de cet amour ou du moins du désir érotique qui l'accompagne s'émoussera que le tentation de l'infidélité pourra naître; et à condition seulement que le désir de quelqu'un d'autre soit suffisamment fort. Si le désir est faible, nous y penserons sans passer à l'acte, ce désir n'affectera que notre imagination, il se manifestera à titre fantasmatique; mais si ce désir est puissant, alors nous cèderons nécessairement à la tentation.
Dès lors, si le désir se confond avec la vitalité même de la vie seule une volonté morbide peut vouloir la mort du désir. Apprendre à vivre, but de l'éthique, c'est alors apprendre à désirer,
apprendre non à nier mais à façonner le désir.
Peut-être comprenez-vous mieux maintenant le génie de Spinoza :
"L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort et sa méditation est une méditation de la vie, non de la mort." Ethique, IV.
II/ Tout faire pour atteindre le bonheur : est-ce moral ? (La critique kantienne des eudémonismes)
Kant, dans Théorie et pratique expose le cas suivant : un
homme a reçu en dépôt d’un autre homme qui est mort une importante somme d’argent. Cet homme connait à cette époque d’importantes difficultés financières qui risque de le conduire à la ruine,
ainsi que toute sa famille. C’est un homme honnête, bon et généreux. Les héritiers du prêteur sont en revanche très riches, très dépensiers, immoraux et durs. Kant demande : est-il dans un
tel cas de figure permis de conserver l’argent qu’il s’agisse d'autorisation morale ou de réalisation due son bonheur?
Dans les deux cas, la réponse de Kant est non.
1/ Sur le plan moral, Kant montre qu’un enfant de huit ans n’aurait aucune hésitation à régler ce cas : c’est interdit, parce que c’est injuste, parce que c’est contraire au devoir. L’accomplissement du devoir doit passer avant toutes choses ; c’est ce que nous commandent notre raison et notre conscience.
2/ Sur le plan du bonheur, Kant montre qu’il est impossible de savoir si cette transgression de son devoir peut ou favoriser le bonheur de cet individu : peut-être que le détournement du
dépôt d’argent aura plus de conséquences négatives que positives. D'où l'affirmation de Kant : « Le problème qui consiste à déterminer d'une façon sure et générale quelle action peut
favoriser le bonheur est un problème tout à fait insoluble »
D’où il conclut que si on veut être sûr de sa conduite et digne de notre statut d’être humain, il faut agir dans la vie suivant le principe de l’accomplissement du devoir moral et non du bonheur. Le bonheur doit passer après le devoir. La raison ne nous commande pas de faire notre bonheur, mais notre devoir. La raison ne peut que nous conseiller de veiller à notre bonheur, et d'abord parce que cela est plus favorable à l'accomplissement de nos obligations morales.
Par voie de conséquence, le bonheur ne peut pas être d'après Kant la fin suprême de l'éthique : a) puisqu'il est impossible de prescrire les règles d'une conduite conduisant nécessairement au bonheur; b) parce que cela n'est pas le but le plus élevé de l'homme comme être raisonnable.
Comment savons-nous que l'accomplissement du devoir est la fin suprême de l'éthique?
Partons de notre expérience, de notre vécu. Qu'est-ce qui s'impose à notre conscience comme quelque chose que nous, hommes, devons faire absolument, comme un commandement impératif (« tu dois! »)?
Ce n'est pas le bonheur : car il serait absurde d'ordonner à quelqu'un d'être heureux (le bonheur ne peut pas faire directement l'objet d'une prescription morale); et puisque nous ne pouvons pas être certains de l'efficacité des actions que nous accomplissons dans le but d'être heureux.
En revanche le devoir est vécu comme la conscience d'une obligation morale.
Exemple : voter est si on est un citoyen un tant soit peu conscient, un devoir, de même obéir aux lois; Et si quelqu'un est attaqué; si je trouve une somme d'argent dans la rue; si je suis témoin d'une injustice; être charitable, juste, généreux etc.
Attention toutefois à bien distinguer les obligations sociales et les obligations ayant trait à la morale.
Les obligations sociales (les lois) ne sont pas des commandements inconditionnels : socialement il est de mon devoir d'obéir à la loi; moralement il peut être de mon devoir de lui désobéir. D'autre part la possibilité d'une sanction (possibilité d'une contrainte externe) est ce qui fonde le caractère obligatoire des devoirs sociaux.
Donc seules les obligations morales ont un caractère à la fois inconditionnel et libre.
Mais en outre parmi les actions réalisant l'obligation morale, il faut encore faire la différence entre les actions simplement conformes au devoir et les actions véritablement morales. En effet on peut faire son devoir par conformisme, par intérêt, par aveuglement, par facilité, pour faire plaisir à quelqu'un etc. Ne sont donc morales que les actions qui réalisent l'obligation morale sans autre considération : faire son devoir parce que c'est son devoir, que notre raison nous le commande. C'est pourquoi Kant définit le devoir comme « la nécessité d'agir par respect pour la Loi" (la loi morale).
Exemple : si une personne égare à mes pieds un billet de cinquante euros, quoi que je fasse, je ne peux ignorer ce que je dois faire, c'est-à-dire quel est mon devoir. Ma tentation première, et qui est une tendance puissante, c'est d'agir selon mon intérêt : conserver le billet pour me faire plaisir; mon devoir c'est de le rendre. Mais si je le rends pour m'attirer la faveur de la personne de son propriétaire par exemple, mon acte est certes extérieurement conforme au devoir (et la loi ne m'en demande pas plus) mais il n'est pas moral. Pour être moral, il doit être désinteréssé, ce qui revient à dire que l'acte n'est moral que si j'accomplis mon devoir sans autre considération, seulement parce que c'est là mon devoir.
Ainsi nous savons maintenant que le devoir moral présente toutes les caractéristiques de la fin éthique suprême. Est-il cependant en notre pouvoir de réaliser des actions moralement bonnes, éthiquement pures?
Kant : «L'autonomie de la volonté est le principe unique de toutes les lois morales et des devoirs qui y sont conformes.»
Pour reconnaître si un acte est moralement bon, il faut en examiner le principe. L'action morale doit être désintéressée; elle doit émaner d'une intention pure. C'est seulement à cette condition qu'elle sera moralement bonne et libre d'après Kant.
Le désintéressement : sans rien attendre en retour, ce qui est tout le contraire de l'échange dont le règle est le donnant/ donnant. Kant donne à ce terme un sens plus large : l'absence de mobile sensible: un acte est moral si ce qui conduit à l'accomplir n'est ni l'intérêt, ni le sentiment, même s'il s'agit d'un bon sentiments : la pitié, la compassion, la générosité etc.
Il faut donc que rien d'extérieur à la volonté ne vienne la déterminer, sinon il s'agit d'une tendance, cad d'une position de désir, non d'une volonté libre. Il faut que la volonté soit autonome dans son principe.
Une volonté libre c'est donc une volonté autonome, auto-nome ie qui se donne à elle même sa propre lois.
Pour comprendre de concept de la liberté sous la forme de l'autonomie de la volonté on peut s'aider de cette affirmation de Kant : "Les choses dans la nature agissent d'après des lois; il n'y a qu'un être raisonnable qui puisse agir d'après la représentation d'une loi, autrement dit qui ait une volonté." Fondements de la métaphysique des mœurs.
Reprenons l'exemple du billet : si je n'étais qu'un être naturel, un animal donc, mon instinct me commanderait de prendre le billet : j'agirais suivant la loi de mon instinct. Mais je suis un
être raisonnable, doté d'une raison (et d'une conscience) et donc je ne puis ignorer ce que je dois faire, je ne peux ignorer la nécessité et les conditions de l'idéalité de ma conduite : je puis
agir "suivant la représentation d'une loi" : je sais, j'ai conscience, donc je me représente la loi que
j'adopte dans mon action (par exemple : "fais-toi plaisir" ou "tant pis pour l'autre" ou au contraire : "cela n'est pas à moi"). En tant qu'être raisonnable l'homme possède donc une volonté,
c'est-à-dire une faculté indépendante du désir et capable de se déterminer elle-même en fonction de ce que notre raison nous dit de faire. Bref, l'homme est un être capable de penser les
principes autonome de sa conduite comme être raisonnable. C'est par-là qu'il rompt avec son animalité, c'est par-là qu'il affirme la sublimité des possibilités que possède l'homme. La dignité de
l'homme réside dans cette capacité à l'autonomie.
Mais quelle preuve avons-nous de la possibilité d'une volonté authentiquement autonome, c'est-à-dire qui se donne à elle-même sa propre loi? Aucune preuve nous dit Kant, sinon qu'il y a des actes qui ne sont concevables que comme effet d'une volonté humaine qui se donne à elle-même sa propre règle de conduite, d'une volonté inconditionnée.